Me revoici pour la première fois derrière le clavier depuis bien longtemps à part quelques nouvelles de stages et de mises à jour saupoudrées de ci de là : presque un an en fait… c’est vraiment la saison qui m’appelle à chaque fois pour faire le point à ce moment là de l’année. J’avoue me sentir complètement rouillée dans l’écriture d’un article, mais essayons !

Je vous ai laissés l’année dernière avec l’annonce d’une grande décision, puisque j’avais démissionné de mon emploi pour m’occuper à plein temps de mon atelier. Je venais d’emménager dans un nouveau collectif, Hermine faisait ses nuits depuis 2 jours, j’étais à fond dans les préparatifs des fêtes et l’horizon s’éclaircissait enfin…

Les métiers à tisser circulaires prennent le doux soleil de novembre dans la vitrine...

Les métiers à tisser circulaires prennent le doux soleil de novembre dans la vitrine…

Malheureusement mon bel atelier à Daoulas, dans lequel j’avais emménagé en octobre 2017, s’est rapidement révélé être complètement impossible à chauffer : c’est le revers du charme des anciennes salles de classe hautes de plafond et des fenêtres d’époque… je peinais à tenir toute la journée tant je finissais par grelotter et me geler. Deux métiers à tisser ont même commencé à se piquer de moisissure tant c’était humide, et j’ai finalement rapatrié pas mal de matériel à la maison. J’ai donc repris mes recherches pour un nouveau local, mais à chaque fois pour des raisons différentes (loyer, distance…) cela ne marchait pas. Fatiguée par ces recherches et ces déceptions successives, j’avais à peu près perdu espoir et je me demandais si je n’allais pas devoir arrêter tout simplement, faute d’un local adapté, jusqu’à ce que j’entende parler par une amie d’aides mises en place par la mairie de Brest pour redynamiser un quartier de Brest appelé le Haut Jaurès.

Sans rentrer dans les détails, jusque il y a quelques années la rue Jean Jaurès était l’artère principale de la ville, regorgeant de boutiques d’un bout à l’autre de la rue. Puis comme dans bien d’autres villes malheureusement, les magasins ont fermé les uns après les autres, et le haut de la rue est maintenant complètement désolé : à part quelques professions paramédicales et de rares petits commerces, tout est fermé voire à l’abandon, et la ville cherche à redynamiser le quartier. L’une des propositions pour y parvenir est de proposer des loyers à prix beaucoup plus bas qu’ailleurs, afin que de nouvelles personnes s’y installent : je ne pense pas que des commerces traditionnels réussissent à revenir, mais des artistes, des artisans, des associations peut-être ? Et je suis donc l’une des premières à me re-installer dans le haut cette rue avec ce dispositif, et je remercie au passage la mairie de Brest pour son accueil chaleureux, son aide réelle et sa ténacité pour m’aider à trouver un local. Il y a de vrais efforts de faits et pas seulement des annonces, et cela mérite d’être souligné !

Un coin d'atelier, avec mon rouet Rose de Majacraft et mon métier à tisser Saori

Un coin d’atelier, avec mon rouet Rose de Majacraft et mon métier à tisser Saori

Autant vous dire que cela me change de Daoulas, joli petit village historique, ses chemins, ses rivières, son abbaye, ses vieilles pierres… Mais ici j’ai un local de 40 m2 tout près de la maison et pour moi seule, avec une belle salle à l’avant pour travailler et accueillir des stagiaires, une pièce qui me sert aux teintures à l’arrière, une cave pour le rangement, une petite cour pour le séchage et quelques plantes… C’est très nouveau pour moi d’avoir autant d’espace et quel bonheur d’avoir enfin tout rassemblé au même endroit, que mes outils et mes laines soient au sec, de pouvoir travailler dans un local sain et propre… Quel gain de temps aussi, plus d’allers et retours chargée comme une mule entre la maison et l’atelier, plus de temps perdu à ranger une activité pour passer à la suivante faute de place… Je savoure pleinement ce nouveau confort. Les plaisirs simples de la fileuse : mettre la musique à fond si j’ai envie puisque plus personne n’habite l’immeuble, chanter à tue-tête… Le luxe vous dis-je !

Lectures en cours, il y a comme un thème n'est ce pas ?

Lectures en cours, il y a comme un thème n’est ce pas ?

C’est un drôle de quartier tout en contrastes, les immeubles gris et leurs commerces vides, les étudiants de l’école de design qui décorent les façades, les assistantes maternelles, les collégiens et les personnes âgées, les petites ruelles à l’arrière de la rue et leurs murets de pierre, le mégalithe du Pilier Rouge (en pleine ville le pauvre !), les beaux arbres du cimetière, les fresques de street art… Mais on sent que la sauce pourrait prendre et que ce quartier pourrait redevenir vraiment attirant et vivant artistiquement. Il suffirait que quelques personnes s’installent, que les immeubles soient rafraîchis, que petit à petit des familles reviennent… Cela peut prendre quelques années mais j’ai bon espoir, pour le moment déjà 8 locaux vont être repris en plus du mien !

L’accueil est très sympathique car les habitants sont contents de voir une façade éclairée, une vitrine décorée… même si je ne suis pas une boutique : il s’agit de mon lieu de travail et j’accueille pour le moment les visiteurs uniquement pour les cours et stages à venir, ou sur rendez-vous pour parler d’une commande. Je prends un temps d’observation pour voir si je vais ouvrir davantage au public, certainement au moment des fêtes mais le reste de l’année, je ne sais pas. La plupart des gens sont curieux et bienveillants mais je ne peux malheureusement pas passer tout mon temps à expliquer gratuitement tout le processus de la toison au tissage, au lieu de travailler. Je ne suis pas un musée ni en mode démonstration toute la journée et j’ai aussi besoin de concentration. Je prévois plutôt des temps dédiés à cela comme des journées portes ouvertes, les journées européennes des métiers d’arts etc… plutôt que de risquer d’être interrompue toute la semaine au détriment de mon travail.

Les palettes de fils attendent sagement dans leurs paniers d'être tissées

Les palettes de fils attendent sagement dans leurs paniers d’être tissées

Mes connaissances sont souvent surprises d’apprendre que j’ai quitté un collectif pour m’installer seule, mais je vous rassure nous sommes en bons termes et je crois que j’en avais vraiment besoin : après 4 ans dans 2 collectifs différents, je mesure à quel point cela peut parfois être dynamisant et inspirant, mais aussi chronophage. Tout le monde n’a pas la même vision des choses, le même rythme de travail, les mêmes envies tout simplement. Je suis heureuse d’être plus concentrée, de prendre mes décisions seule, de manière autonome et selon mes besoins, tout en restant reliée à un beau réseau de talents !

Je reste attachée à l’idée d’un collectif et je ne ferme pas cette porte, mais avec l’idée de profiter de mes expériences précédentes pour créer un collectif davantage lié au textile : je verrais bien la couture, le feutre, le design textile, la sérigraphie, la broderie, le filage et le tissage cohabiter, pas vous 😀 ? Peut-être dans cette rue en train de renaître ? J’espère maintenant organiser plus de cours puisque toutes les conditions sont enfin réunies pour le faire, et accueillir également d’autres stages : je vous en dis plus bientôt, pour le moment je suis concentrée sur la plus grosse période de l’année, les fêtes !

La partie préparation des fibres avec les cardeuses

La partie préparation des fibres avec les cardeuses

(Tenez bon car j’ai pas mal de choses à partager dans les prochains jours. J’ai commencé ce matin par écrire un article tellement long que j’ai préféré le scinder en plusieurs thèmes. Aujourd’hui mon nouvel atelier, et dans les prochains jours des réflexions sur le projet d’une filière laine en Bretagne, et un bilan de cette première année écoulée comme artisane à temps complet ! A très vite donc !)